je m'insurge contre le despotisme de ce forum

a+Bertrand Dicale a écrit : Bénabar, un « Infréquentable » très fréquentable
Le 9 septembre au soir, dans un joli lieu sobrement fastueux, on écoutait le prochain Bénabar, Infréquentable. Comme le Vincent Delerm sortira peu après, il y a fort à parier que, fin octobre-début novembre, la conversation bénabaro-delermienne se focalise sur le renouvellement, l’immuabilité, le toujours pareil et le tourne-en-rond. Après tout, Bénabar chante A la campagne, et ça rappelle la chanson Bon anniversaire (il y a des week-ends dans les deux chansons) et aussi L’Itinéraire (il y a des trajets et des copains dans les deux chansons). Mais l’on pourra objecter qu’il ne parle plus vraiment des tracas de trentenaires et qu’il signale avoir bientôt quarante ans dans la chanson Malgré tout (ce sera pour de vrai l’année prochaine). Ça va faire des choses intéressantes à lire et à entendre, je crois.
Donc si l’on prend le large de ces considérations sur la capacité des pommiers à faire des poires, des fraisiers à faire des prunes et de Bénabar à faire du Trust, on se retrouve avec un album de douze titres qui montre une palette légèrement décalée. Un décalage dans les humeurs, peut-être : aucun titre de grosse comédie (même Allez ! sur la dépression d’un pote, use d’une panoplie de ficelles amincies), aucun grand titre réaliste rude (rien à la mesure de Je suis de celles, en tout cas). En revanche, l’écriture est plus droite, les sentiments plus patients, les émotions plus limpides. Il se dégage peu à peu, de disque en disque, une humanité Bénabar aux contours de plus en plus nets : on s’y étonne de la vigueur de nos émotions, on s’y rêve meilleur que l’on est, on se sait dérisoire mais on se veut important…
Il y a quelques chansons très justes et très franches sur ces questions de faux-semblants et d’apparences trompées, dans la gravité (Voir sans être vu, beau jeu de miroirs inversés, dramatique tout ce qu’il faut avec des élans moralistes à la Sardou – pardon si je vexe – quand il chante « je ne reproche rien à personne ») comme dans le sourire (Pas du tout, espèce de forro avec bendir et chœurs à la Bombes 2 Bal). Ces deux chansons-là, d’ailleurs, ont la capacité de devenir énormes, de conquérir les ondes et de gagner les mémoires.
Et c’est peut-être cela qui nous attache tant à Bénabar, comme à la gravité légère de Michel Delpech ou de Joe Dassin : l’idée qu’il nous donne quelques instants rapides de plaisir un peu écervelé, et la manière dont cela tangente les grandesgrossesquestions, dont cela côtoie l’air de rien des abîmes à la Ferré et des vertiges à la Brel. Plus que jamais, d’ailleurs, il y arrive. On va commencer vraiment à se dire qu’il est important.
