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INCOGNITO
Un film de Eric Lavaine
Avec Bénabar, Jocelyn Quivrin, Franck Dubosc, Anne Marivin, Isabelle Nanty
Durée : 1h34
Il y a trois ans, Eric Lavaine faisait ses débuts en tant que cinéaste, en signant la mise en scène du film Poltergay, un regrettable pétard mouillé de bien triste mémoire. L'homme nous revient donc aujourd'hui avec une nouvelle comédie, et crée une fois encore l'évènement en réunissant un casting pour le moins surprenant. Jugez plutôt : Bénabar en tête d'affiche (pour son tout premier grand rôle au cinéma), accompagné de l'humoriste Franck Dubosc, de Jocelyn Quivrin, récemment auréolé par le succès du film Lol (Laughing Out Loud), et de la Ch'ti Anne Marivin. Tourné dans la plus grande discrétion, à l'image de son titre, et sans aucun abattage médiatique (du moins, pas encore), le long-métrage sortira pourtant le 29 Avril prochain sur nos écrans. Le pire est-il à craindre ?

Lucas rêve de percer dans la chanson et imagine déjà son nom écrit en gros sur la façade de l'Olympia. Contrôleur de bus le jour, il joue dans un bar le soir avec ses amis. Dix ans plus tard, Lucas est enfin devenu une superstar en s'étant approprié les chansons d'un des membres de son groupe qu'il croyait disparu. C'est alors que cet homme réapparait, après un long séjour un Inde, sans savoir ce que son pote est devenu. Lucas décide alors de lui cacher sa fortune et sa célébrité. Pour cela, il fait appel à son « colocataire » Francis, un mime au chômage. Mais redevenir une personne lambda n'est pas chose si aisée...
Les premières images inquiètent. Flashback oblige, on tente de donner un « coup de jeune » aux deux comédiens principaux, Bénabar et Jocelyn Quivrin, en les affublant d'une nouvelle coupe, soit plus longue, soit plus branchée. Au delà de la facilité et du cliché, le trucage paraît surtout très caricatural. De la même façon, l'apparition de Franck Dubosc au bout d'une dizaine de minutes ne nous rassure pas davantage. Le comique nous offre ses tics habituels et on s'attend dès lors à découvrir un « nouveau » Disco. Cependant, la mayonnaise prend, grâce à un script remarquablement construit, doté d'une multitude de gags et de péripéties diverses, à tel point qu'il est souvent difficile de reprendre son souffle. Ecrite par Eric Lavaine (avec la complicité de Hector Cabello Reyes et de Bénabar himself), l'histoire propose ainsi une succession de situations hilarantes, alternant mensonges, quiproquos et autres répliques bien senties. Loin du vaudeville classique, Incognito s'inscrit parfaitement dans l'air du temps et renouvelle presque le genre. Les idées les plus convenues se voient donc attribuer une grande modernité. Par exemple, l'émotion gratuite ne prend jamais le dessus et laisse souvent présager une surprise de dernier instant. Aucun personnage n'est parfait, chacun possède ses travers, aussi horribles soient-ils, donnant à cette oeuvre une crédibilité supplémentaire.

Bien sûr, le film n'atteint jamais la perfection, et les mauvaises langues trouveront toujours quelque chose à redire. On constate par exemple une légère baisse de rythme dans la seconde partie, et des comédiens en sur-jeu (Isabelle Nanty notamment). Mais finalement ce ne sont que des détails par rapport à l'ensemble de cette comédie sans prétention, et surtout étonnamment sincère.
Il se dégage d'Incognito une ambiance également très conviviale, comme si un groupe de potes avaient décidé de se réunir et de nous raconter une bonne histoire. Ainsi, on pense beaucoup aux longs-métrages du Splendid, et particulièrement à la « vague » que ces acteurs ont créé dans les années 70/80. Les auteurs ont donc sans le moindre doute été bercés pas des oeuvres telles que Marche à l'ombre, Viens chez moi j'habite chez une copine, ou bien encore Mes meilleurs copains.
En ce sens, le duo Bénabar/Dubosc fonctionne à plein régime, entre une tête bien-pensante (parfois trop) et le boulet. Le chanteur démontre au passage un réel talent de comédien, à l'instar de prestigieux « collègues » (Eddy Mitchell ou Johnny Hallyday), et porte merveilleusement le film sur ses jeunes épaules. Son innocence en ce domaine apporte d'ailleurs une grande fraîcheur au rôle. Il n'en fait jamais trop et semble même incarner à certains moments son propre personnage, tant les points communs sont nombreux. Ses fans seront d'ailleurs ravis de l'entendre chanter de tout nouveaux titres, dans la continuité de ses premiers, et conçus spécialement pour la bande originale du film. En somme, un joli prétexte et un très bon début de carrière... De son côté, Franck Dubosc incarne une fois de plus les ringards excessivement naïfs, avec une aisance et un plaisir indiscutables. Il est encore difficile d'y adhérer, mais sa performance se révèle ici nettement supérieure aux précédentes. L'efficacité de son jeu n'en est que plus redoutable. Chacune de ses apparitions font mouche, qu'il soit à demi-nu ou jouant les fausses stars de cinéma, avec un regard particulièrement critique. Il incarne en outre le trublion de service, celui qui risque de tout gâcher en une fraction de seconde, et on se délecte alors à imaginer la nouvelle catastrophe dont il sera responsable, sous les yeux ahuris d'un Bénabar totalement dépassé. Un « couple » plutôt classique, donc, mais d'une efficacité indéniable.

Secondés par l'excellent Jocelyn Quivrin et la mignonne Anne Marivin, nos deux héros auront enfin le privilège de croiser un certain nombre de guests stars, dont nous vous laissons le plaisir de la découverte. Et il y en a vraiment pour tous les goûts...
Incognito serait-il donc la grande surprise française du Printemps ? Sans aucun doute. En tous les cas, on lui souhaite de sortir très vite de l'anonymat !
EN BREF : Une comédie qui sent bon les années 80, non pas dans le choix du sujet, mais plutôt dans son traitement. Le retour à des valeurs sûres et extrêmement efficaces. Eric Lavaine semble marcher sur les traces d'un Patrice Leconte alors à ses débuts, en y ajoutant un style et une modernité qui lui sont propres. On ne peut que s'en réjouir.
7/10
Gilles Botineau