voici un joli article je trouve, sur le monsieur
Miossec, musicien aux mœurs adoucies
LE MONDE | 27.05.04 | 13h48
Le chanteur prend ses distances avec sa légende teintée de virulence alcoolisée. Dans "1964", il renoue avec les mélodies tout en poursuivant son travail d'écriture pour d'autres artistes.
Encore quelques concerts et Christophe Miossec passera sur le billard. Pour en finir avec ses béquilles et un genou qui le fait claudiquer depuis plusieurs mois, souvenir d'une mauvaise chute alors qu'il courait prendre le bus. Par réflexe, certains penseront à un accident de biture. Pas facile d'échapper à sa légende quand on a débuté sa carrière avec un album baptisé Boire (1995), nourri d'embardées sentimentales et de virulence alcoolisée. "Dans ce métier, on devient vite une caricature ambulante, rigole le Brestois devant sa bière du matin. Je suis mort de rire devant le décalage entre ma réputation d'agité et ma vie super peinarde."
En dix ans, la belle gueule du Breton et sa charpente trapue ont encaissé quelques excès, accentuant de touchantes fêlures. Lassé de trinquer, il disait dans Le Défroqué avoir "déserté les champs de bataille/Les nuits que je connaissais trop bien/Je ne fais plus dans la canaille/Je suis plutôt devenu du matin". "J'adore les champs de bataille, je ne refuse pas une bonne rigolade ou les pots de l'amitié, mais, à un moment, il faut se ménager des trajectoires, se préserver de la tentation du dérapage pour ne pas s'épuiser."
Longtemps, la scène et les tournées ont été les terrains privilégiés de ces fracas punk. Un concert de Miossec se jouait souvent à quitte ou double, avec un chanteur trop amoché pour ne pas céder à l'anarchie. "Le trac et la timidité me rendaient agressif", se souvient le Brestois, qui, pour se protéger du doute, a souvent choisi la provocation. "C'était déjà vrai à l'école : dès qu'il y avait un débat, j'étais prêt à prendre la pire position du moment que j'étais le seul à l'avoir."
Aujourd'hui, les performances scéniques du Breton ont délaissé le chaos. L'été 2003, le chanteur a même donné une série de concerts magnifiques avec l'Orchestre lyrique de la région Avignon-Provence. Ces dernières semaines, son groupe, mené par la science délicate de Jean-Louis Piérot, membre des subtils Valentins, a confirmé que l'art brut de Miossec pouvait s'accommoder de musicalité. Des moments dans la droite ligne du très réussi 1964, son dernier-né, le meilleur album depuis le Boire originel.
A l'époque, ce disque fondateur avait insufflé à la chanson française des années 1990 une dimension rugueuse et charnelle qui lui manquait cruellement. Avec son camarade Dominique A, Miossec peut sans doute être considéré comme le grand frère d'une scène hexagonale - Mickey 3D, Vincent Delerm, Cali, Luke, Jeanne Cherhal... - qui assume désormais sans complexe ses envies d'écrire en version originale. Le Catalan Cali, interprète à succès de C'est quand le bonheur, confiait récemment : "Miossec est arrivé avec ses mots très crus, des rimes casse-gueule, des phrases trop longues qu'il essayait de raboter pour les entrer dans ses chansons. à‡a faisait tendre l'oreille sur les textes. Je me suis dit, je peux être comme je suis, parfois grossier, parfois naïf, parfois très amoureux, grâce à Miossec."
DES Hà‰ROS SANS EFFETS DE MANCHE
Le Brestois reste marqué par ce vibrant coup d'essai. "J'ai fait ce premier disque dans une sorte d'inconscience complète, un je-m'en-foutisme absolu et délicieux. J'étais porté par quelque chose de viscéral. C'était du crachat, de la purge. L'idée forte de ce disque était de ne pas avoir de batterie - l'instrument rock par essence -, de transférer la tension dans autre chose, des guitares sèches, une voix."
A 31 ans, Miossec débutait sur le tard. Son premier disque profitait ainsi de l'épaisseur d'un vécu. Et, s'il n'a jamais renié son admiration pour Alain Bashung, le Brestois n'avait plus l'âge d'être écrasé par ses icônes. Celles qu'il revendique aujourd'hui - les écrivains Henri Calet et Georges Perros (dont il avait adapté un poème, Ainsi soit-elle) - font d'ailleurs plutôt figure d'antihéros. "Mon attirance pour eux est presque extralittéraire, explique Miossec. En les lisant, tu as l'impression de boire un demi avec eux, d'être à tu et à toi. J'aime leur sobriété, l'absence d'effets de manches, leur humour dévastateur, trempé autant dans le détachement que dans le désespoir." Acteur à la Comédie-Française, ami de Gérard Philipe, Perros s'était retiré dans le sud du Finistère. On doit à Henri Calet une phrase - "Ne me secouez pas, je suis plein de larmes" - qui pourrait souvent s'adapter à l'univers de Miossec.
Pour son clip illustrant la chanson Je m'en vais, le chanteur a tiré des images en super 8 de la cinémathèque familiale. La rencontre entre la douleur des mots et la mélancolie d'images rayonnant de tendresse provoque le frisson. Difficile de distinguer qui est Christophe parmi les trois frères Miossec. Avec sa carrure et son visage de dur timide, le papa est en tout cas le sosie de son chanteur de fils. "Mon père était sapeur-pompier-plongeur, ma mère était dessinatrice à l'arsenal de Brest. Plutôt un milieu prolo. Pourtant, nous partions en caravane pour des voyages insensés en Ecosse, en Suisse, en Autriche, en Angleterre, à visiter tous les musées. Il y avait une volonté touchante de culture qui m'a beaucoup aidé."
Si les racines sont indiscutablement brestoises, si Miossec se vante d'avoir son fan-club basé sur l'île d'Ouessant (83 membres, 5 euros l'inscription reversés à la Société nationale de sauvetage en mer), le chanteur n'a cessé de bouger sans se fixer depuis ses dix-huit ans. Pigiste à Paris, puis à la Réunion, père d'un petit garçon dans l'arrière-pays niçois, aujourd'hui montmartrois par intermittence, il craint l'idée de bande jusqu'à paraître infidèle en amitié.
Pourtant, cet ours (en peluche), dont le style semblait n'être fait que pour lui, s'est révélé dans les collaborations. Après deux chansons écrites pour Johnny Hallyday, Miossec s'est mis à tailler sur mesure des textes pour Jane Birkin, Dani, Bashung, Khaled, l'ancien cycliste Erwann Menthéour (un Brestois), le groupe Mass Hysteria ou Juliette Gréco. "J'adore ce boulot, adapter un vocabulaire à une personne, sortir de son petit monde, assumer un métier d'artisan. Travailler avec des gens aussi gentils, talentueux et drôles que le père Alain ou la mère Juliette, cela m'a vraiment rassuré. Tu te sens moins imposteur."
Stéphane Davet
Festival Art Rock, Saint-Brieuc, le 29 mai. Carte blanche à Miossec, avec Daniel Darc, Alain Bashung et Chloé, Jane Birkin, Yann Tiersen, Didier Squiban, Jacques Pellen. Tél. : 02-96-68-18-40. Sur Internet :
www.artrock.org
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Biographie
1964
Naissance à Brest.
1982
Guitariste de Printemps noir aux Transmusicales de Rennes.
1995
Boire, premier album.
1999
Ecrit Notre histoire et Remise de peine pour Johnny Hallyday.
2004
1964, cinquième album.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.05.04
sources:
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 510,0.html