wouaou ! pour que tu te fendes d'un post sur ce forum ça a en effet bien dû te plaire !!
je viens de voir qu'il avait été interviewé sur ce site que j'aime bien,
uncafe.com
je copie-colle ici pour les flemmards, mais je ne refais pas la mise en page, pour ça et pour les photos suivez
le lien !
Un café avec... Benoît Dorémus
[Un café pris en octobre 2004]
"Fidéliser un public, tester mes chansons, traquer mon trac, me faire entendre dans des conditions parfois difficiles : quand au bout de trois chansons lÂ’ivrogne au bar ferme enfin sa gueule et a les yeux qui se perdent dans le vide et quÂ’il oublie de commander son 7ème demi, cÂ’est un succès."
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Benoît Dorémus applique à la lettre les conseils philosophiques de Nikos Aliagas, le grand pape de la chanson cathodique : tout donner - se jeter dans l'arène - donner le meilleur de soi-même. Seulement, il le fait de manière nettement plus discrète, en bas de chez vous, dans une salle quelque part. Ses chansons françaises sont vraiment formidables de modernité et d'explosion de sentiments qui ne tâchent pas, l'album qu'il a sorti splendide et générateur de sensations multiples autant que rares.
Ecoutez vite Dorémus, puisque lui vous écoute déjà depuis longtemps. C'est la force de la dimension universelle des choses simples, simples mais habilement dites. Et soyez fort
Suntorii
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Suntorii : Bienvenue à vous, Benoît ! On va prendre un bon petit café ensemble, vous et moiÂ… Vous aimez ça, le café ?
Benoît Dorémus : Non, mais je vais me forcer ! (avais-je également répondu étant enfant à la mère dÂ’un camarade, qui, mÂ’invitant à dîner, mÂ’avait demandé si jÂ’aimais la pizza.)
1- Benoît, vous avez sorti, je crois en auto-produit, un très chouette album qui s'appelle "Pas en parler" et que sincèrement je conseille à tous les clients qui prendront ce café avec nous. Une bonne douzaine de chansons, qui frôlent en moyenne les quatre minutes, avec de la guitare, de l'accordéon, votre voix et de belles paroles. Cette présentation est absolument moyenne. Pouvez-vous vous présenter vous-même, et de la manière dont il vous convient, aux clients du Café ici présents ?
Vous ne vous en êtes pas si mal sorti. LÂ’énumération est correcte. Je mettrais néanmoins belles paroles en premier. CÂ’est le plus important. Moi je gratouille et je chantouille, et je suis entouré dÂ’un accordéoniste-pianiste fabuleux, Richard Posselt, et dÂ’un bassiste pas manchot non plus, Franck Portal.
2- Quand on commence à écouter votre album, on est frappé de la ressemblance avec le style de l'ex-énervé par la colère chanteur Renaud. Cette impression s'amenuise d'ailleurs ensuite, au fur et à mesure que les chansons défilent. Le premier titre, "Rien à te mettre", est somptueux de douceur pudique et d'érotisme textile, avec des mots simples et touchants. C'est une chanson Renaud-like. Renaud, c'est quoi pour vous ? Un père, un modèle, une simple influence ? Ca vous ennuie, ces comparaisons, que vous revendiquez d'ailleurs sur une de vos ritournelles ?
Je dois dÂ’abord reconnaître que la comparaison est hyper flatteuse ! Pour quiconque sÂ’intéresse à la chanson dite à texte, Renaud est incontestablement lÂ’un des meilleurs. JÂ’ai donc évidemment été influencé par son style, et je ne mÂ’en cache surtout pas ! Une journaliste a bien résumé en disant à mon sujet que "ce nÂ’est pas le genre de compliments quÂ’on fait tous les jours".
Cependant, comme cÂ’est un compliment quÂ’on ME fait tous les jours, ou presque, il me gratte parfois un peu, à la longue, parce quÂ’il nÂ’y a pas que lui. Je serais donc "Le nouveau Renaud". Avez-vous remarqué que quand un nouveau déboule, dans la chanson comme ailleurs, il doit absolument être comparé à ses prédécesseurs ? JÂ’ai même entendu une fois ou deux que cette filiation pourrait me nuire, comme si Renaud était un monument sacré. Je ne crois pas. Je ne vais pas tirer ma révérence, ni tirer sur mes références.
Renaud me disait encore hier soir : "JÂ’en ai marre quÂ’on me dise que je suis lÂ’ancien Dorémus !"
3- Ceci dit, vous vous réclamez autant de Renaud que d'Eminem, même si la filiation avec ce deuxième artiste est largement moins évidente à l'écoute de vos chansons. Ce croisement hybride donne notamment un titre en forme de doigt levé, jubilatoire d'insolence et d'innocence par rapport au monde de la musique et ses règles, "J'apprends le métier". Des paroles dans lesquelles vous dites clairement que vivre de votre musique est la seule chose au monde qui vous semble évidente, devenir votre propre employeur et brûler définitivement votre CV. Mais est-ce que les dossiers de presse ne sont pas aussi pénibles qu'un bon vieux CV ? Est-ce que vous avez l'impression de jouer une grande partie de pile ou face en vous lançant sans parachute dans la chanson (qui n'est souvent pas un gouffre très profond) ?
Eminem, voilà un type qui, consciemment en tous cas, mÂ’influence bien plus que Renaud, même si nous nÂ’opérons ni dans le même genre ni dans la même langue. Il mÂ’a coupé les jambes quand je me suis penché sur cette façon unique quÂ’il a de faire rimer chaque mot à lÂ’intérieur dÂ’une même phrase, et presque chaque syllabe à lÂ’intérieur dÂ’un même mot (quand dans la versification traditionnelle la rime se situe en queue de vers). Voilà quelquÂ’un qui a changé ma façon dÂ’écrire, de dire les mots. JÂ’ai pour le talent de cet amerloque une admiration sans borne.
Quand au fait de jouer ma vie de chanteur comme une grande partie de pile ou face, en effet, je lÂ’ai toujours ressenti ainsi. JÂ’ai toujours redouté de devoir faire autre chose quÂ’écrire pour vivre. CÂ’est triste à dire mais tout ce que jÂ’ai entrepris dÂ’autre mÂ’a conforté dans lÂ’idée que je ne pourrais pas être heureux professionnellement si je devais faire un trait là -dessus. JÂ’aimerais beaucoup avoir dÂ’autres passions, aimer un autre métier, car je cours un grand risque. Mais je nÂ’envisage ni lÂ’échec, ni que la pièce retombe sur la tranche.
4- Comme Renaud, et j'arrête là ensuite avec ce système de comparaisons, vous citez souvent Léo, qui est, si j'ai bien suivi l'histoire du disque, votre copine, ou fiancée, ou femme (ou peluche, mais alors je suis passé à côté de quelque chose). Renaud citait Dominique, sa femme qu'il n'a perdue que récemment, dans un océan de bière tiède. Vous ne pensez pas que ça peut nuire à votre carrière de jeune chanteur, de rappeler aux filles en permanence que vous êtes en couple ? Est-ce que Léo est la première personne à qui vous cherchez à prouver ce que vous valez ? Mais quel est donc le vrai prénom de Léo ?
Personnellement, lÂ’une des différences que je fais entre chanson française et variété française, cÂ’est que dans la chanson, on sÂ’engage, on parle de soi, on se fout carrément à poil. Il y a bien des manières de sÂ’y prendre. Pour moi, cela passe notamment par lÂ’utilisation des noms propres. JÂ’adore en semer quelques-uns bien choisis dans mes chansons. Je trouve quÂ’ils brillent. Ils sont de cette race de mots qui, un peu comme les dates, se résument eux-mêmes. Mes noms propres sont là pour marquer le temps et pour me rassurer. On ne trouve dÂ’ailleurs pas que des Léo dans mes textes, il y a des noms de potes, de gens connusÂ… Et cela nÂ’empêche en aucun cas la fiction, au contraire, ni lÂ’intimité (cÂ’est pourquoi vous ne saurez pas le vrai prénom de Léo).
Quand au fait que cela puisse nuire à mon image de célibataire accessible, je pense sincèrement quÂ’elles sÂ’en foutent pas mal mais jÂ’espère secrètement quelques suicides.
On me dit souvent Ducon
Y a bien trop de prénoms
Dans tes chansons publiques
Que feras-tu le jour
Où rien que celles dÂ’amour
Seront anachroniques ?
Moi je réponds Dugland
JÂ’sais écrire quÂ’au présent
JÂ’écris ce quÂ’on me dicte
Nom propre ou nom normal
JÂ’suis pas un tribunal
Et y a pas de verdict
On me dit oui mais crétin
Mettons que demain matin
Tu te fâches avec ton pote
Et quÂ’il faut le soir même
Raconter que tu lÂ’aimes
Dans une chanson idiote ?
Je réponds bien sûr pôvÂ’ merde
Il arrive que jÂ’en perde
Il arrive même que jÂ’en pleure
Je sais que ça te dépasse
Mais ils restent à leur place
Et prennent de la valeur.
5- Votre album se rapproche un peu du concept de télé-réalité, ne hurlez pas à la mort, j'exagère. Dans la Star Academy, qui est devenue progressivement LE modèle de réussite commercialo-artistique, on regarde jour après jour la vie se faire pour des jeunes aux torses sans poils. Vous, de "J'apprends le métier", à vos règlements de comptes sentimentaux ("Ce que ça fait de la revoir"), en passant par l'abandon d'un de vos musiciens au moment du décollage ("Accordéon pour 5 d'entre elles"), mettez en scène votre existence, sur une période toutefois plus longue. Vous racontez votre histoire à vousÂ… A la Eminem, finalement. Cette comparaison n'était pas si absurde que çaÂ…
Bien sûr que si, je hurle à la mort ! Remettez-moi une bonne louche de café je vous prie !
Les types de la Star Academy sont filmés 24h/24, on est dÂ’accord. Alors, forcément, ils sont eux mêmes : quand ils petit-déjeunent, quand ils sÂ’engueulent, quand ils téléphonent, quand ils chialent. Mais mon cher, nÂ’avez-vous pas remarqué quÂ’ils sont eux-mêmes tout le temps SAUF QUAND ILS CHANTENT ? Ces gens nÂ’interprètent pas leurs propres chansons ! Ils chantent des REPRISES ! PIRE ! Des reprises quÂ’ON A CHOISIES POUR EUX ! PIRE ! Ils chantent des reprises quÂ’on a choisies pour eux EN FEIGNANT DE SÂ’Y IDENTIFIER !! (les voir se serrer lÂ’un contre lÂ’autre à la fin des duos comme sÂ’ils avaient failli crever me fait toujours rire).
Quant à moi, vous lÂ’avez dit, je raconte mon histoire à moi. Avec mes mots à moi. Et quand je rentre chez moi, pas de caméra infrarouge pour surprendre mes mouvements de couette.
6- En tant qu'adulte, vous semblez vouloir rester totalement fidèle à vos rêves d'enfants et ne pas vouloir trahir celui que vous étiez il y a pas mal d'années, puisque vous êtes né au début des années 80, à Mitterand-1. Pourquoi cet attachement à rester droit et fier par rapport à des objectifs qui paraissent venir de très loin ? Vous nous parlez un peu de votre enfance, Benoît ? Ce personnage, sorte de double dans l'album, Benito, c'est l'enfant d'autrefois ou une créature étrange de votre invention ?
CÂ’est vrai que je suis très fidèle aux ambitions qui mÂ’animaient déjà quand jÂ’étais enfant. Comme je lÂ’ai dit, jÂ’ai toujours voulu vivre dÂ’écriture, même si jÂ’ai aussi touché un peu au cirque, au cinéma, à la littérature et vaguement au théâtre.
Le petit Benoît est toujours vivant à lÂ’intérieur de moi, comme une poupée russe. JÂ’ai des cahiers entiers remplis de son écriture. Il sÂ’adresse au Benoît du futur et le couvre dÂ’injures au cas où, à la relecture, il ait dévié de sa trajectoire. Je lui réponds souvent. Je lui parle, je lui écris, souvent via mes chansons. Je lui explique quÂ’il ne sera pas déçu, que je nÂ’oublie pas.
Quant à Benito, ce nÂ’est pas forcément le Benoît enfant. Benito, cÂ’est quand je me parle à moi-même, y compris pour me traiter de connard quand je le mérite, ce qui peut arriver. Exemple : "Mais tÂ’es un pôv connard, Benito !"
7- Dans l'univers hyper-concurentiel de la chanson française, qui fait et défait actuellement des dizaines de jeunes chanteurs autour d'un prétendu renouveau du genre, vous êtes le seul à vous prénommer Benoît, ce qui est déjà en tant que tel une belle nouveauté. Replongeons-nous dans les années 60. Un manager vous promet monts et merveilles, des hits à la chaîne, à condition toutefois que vous adoptiez un nom anglo-saxon. Eddy Mitchell est déjà pris. Qu'est-ce que vous choisiriez comme pseudo ? Quand vous chattez sur internet, quel est votre pseudo, d'ailleurs ? Benoît75 ? Se produire sous son vrai nom, celui de ses parents, c'est une vraie prise de risque ?
Un type qui sÂ’appelle Dorémus et qui veut faire de la musique, ça a toujours fait marrer tout le monde. JÂ’entends la blague Dorémus-fa-sol-la-si-do depuis le CP ! Alors je nÂ’ai jamais pensé une seconde à prendre un pseudo. Mais maintenant que vous le ditesÂ… Benoît75, cÂ’est pas mal ! JÂ’habite un "ras de terre" à Paris, je suis parisien dÂ’adoption. Dans benoît75, tout est dit ! Merci ! Et si vraiment faut un pseudo anglo-saxonÂ… Marshall Mathers, cÂ’est pris ?
8- Vous arpentez depuis plusieurs mois les rues et les cafés de Paris pour chanter vos chansons réalistes. Les bars, pour faire défiler votre répertoire axé sur les choses de la vie, c'est vraiment l'endroit idéal, non ? Qu'est-ce que vous retirez de ces expériences dans les troquets ? Comment se mesure le succès dans ces endroits spécifiques ? Aux traditionnels applaudissements ou au nombre de boissons commandées en fin de soirée ?
à‡a fait presque 2 ans que moi et mes deux musiciens chéris écumons les bars de la capitale. On pousse deux tables, on vire une chaise, et zou. Le plus souvent pas de sono, pas de projos. à‡a a été lÂ’endroit idéal pour débuter. Fidéliser un public, tester mes chansons, traquer mon trac, me faire entendre dans des conditions parfois difficiles : quand au bout de trois chansons lÂ’ivrogne au bar ferme enfin sa gueule et a les yeux qui se perdent dans le vide et quÂ’il oublie de commander son 7ème demi, cÂ’est un succès.
Mais ces conditions ne me permettent plus de progresser aussi vite quÂ’au début. A présent, il sÂ’agit dÂ’apprendre à occuper une vraie scène avec les gens un mètre plus bas, ce qui est une autre paire de manches. De plus, jÂ’ai beau rendre grâce aux propriétaires de ces petits lieux qui nous accueillent, je dois concéder que le plus souvent ils se foutent pas mal de la musique. Ils ne font quasiment aucune promo, payent les musiciens une misère... Tout cela fatigue. Bref cÂ’est une super école mais je nÂ’ai pas envie de redoubler.
9- Vous qui êtes en pleine action pour faire votre trou sur la scène française, quel est le parcours professionnel dont vous rêveriez, qui vous ferait, en quelque sorte, kiffer ? Champagne pour tout le monde, soirées à gogo, sourires Email Diamant ? Crédibilité à tout casser et simplicité au coin du feu ? Signature sur un gros label, avec un budget promo dément et vos affiches dans le métro ? La couverture de Jeune et Jolie ?
Signer sur un gros label, semblez-vous dire dÂ’un ton ironique. Mais oui, évidemment, si lÂ’occasion se présente et ne sent pas le moisi ! Depuis le temps que je rêve de vivre de ma musique, comment pourrais-je avoir lÂ’outrecuidance de dire que ça ne mÂ’intéresse pas !
Moi, je suis un impatient. Je ne voulais pas y croire quand je me suis lancé dans lÂ’aventure, mais jÂ’ai dû apprendre à mes dépens combien ce métier nécessite dÂ’endurance. Je mÂ’y plie, avec difficulté. JÂ’apprends à ne pas brûler les étapes. Pour lÂ’instant, si ce nÂ’est pas trop demander, jÂ’aimerais faire vivre ma petite famille honorablement dans cette capitale hors de prix. Champagne, oui, mais pour deux, pour lÂ’instant.
10- Les clients du Café vous désirent maintenant, j'en suis certain ! Donnez-leur très vite rendez-vous ! Où est-ce que qu'on peut vous voir ? Vous entendre ? Acheter votre disque ? Etes-vous déjà en poster ?
Le plus simple est de se connecter sans traîner sur mon site
www.benoitdoremus.com qui est très joli. On peut y écouter des extraits, commander le CD (et même un DVD !) et bientôt télécharger des vidéos. On peut bien sûr sÂ’y tenir informé des concerts, et on peut mÂ’écrire des mots dÂ’amour et me dire que je suis un génie.
Suntorii : Benoît Dorémus, merci !
Benoît Dorémus : Merci infiniment.