lemonde.fr a écrit :Cali, troubadour ado et adulte
LE MONDE | 01.02.08 | 19h14 • Mis à jour le 01.02.08 | 19h14
C'est l'histoire d'un grand type qui se jette dans la foule en criant des chansons d'amour, qui grimpe sur les pylônes métalliques des chapiteaux une fois que son public l'a porté à bout de bras. Cali, de Perpignan, a commencé lent et timide. Son troisième album, L'Espoir, à paraître le 4 février, raconte des bribes de vie, où l'artistique et l'intime, le vrai et le transformé sont emmêlés comme filets de pêche après la tempête.
En 2003, Bruno Caliciuri publie un premier disque, L'Amour parfait. Il vient d'avoir 35 ans, dont dix-huit de bals popu, de chansons de Claude François, de groupes punks dans les jambes. En juillet 2002, un directeur artistique de Labels, division branchée de la maison de disques Virgin/EMI, l'a découvert aux Francofolies de La Rochelle.
1er mai 2007 : à Paris, il chante dans un stade Charlety comble. Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste, y tient meeting entre les deux tours de la présidentielle. En quatre ans, Cali a multiplié les tournées, enflammé les salles et les festivals, et publié un deuxième album, Menteur, où figure ce qui deviendra la bande-son de l'espoir socialiste - du moins pour son refrain : "Je suis pendu à votre cou/Dans le plus beau de mes rêves/Mais je ne me réveille jamais près de vous/Et j'en crève... C'est quand le bonheur ?"
UNE CITATION DE JULES Cà‰SAR
Cali adhère au PS. "J'ai suivi la campagne de près, et j'ai vu comment les politiques se faisaient tuer tous les jours et renaissaient à chaque fois. L'élection de Nicolas Sarkozy a été une vraie déception. On n'a pas seulement perdu, on est rentré dans une ère dramatique, d'un cynisme et une arrogance incroyables", dit aujourd'hui Cali, qui dresse la liste des "insupportables" du président de la République : "Il embrasse Poutine sur la bouche, courbe l'échine devant Bush, fête Kadhafi et la Chine des non-droits de l'homme. Il pipolise la politique avec un ex-top model, tout en cherchant à réaliser son quota d'enfants étrangers raflés. Bernard Kouchner avait dit qu'il serait le ver dans la pomme, et depuis ?"
En exergue à L'Espoir, Cali a placé une citation de Jules César : "Il est impossible de ne pas finir par être tel que les autres vous voient." La chanson L'Espoir - Pedro Sollers est à la guitare flamenco - a été composée, raconte Cali avec une passion très ibérique, après un rassemblement du K.O. Social, place de la République à Paris. Organisées de 2004 à 2006 par les Têtes raides, ces manifestations aux allures de happening associatif s'en prenaient aux "casseurs des solidarités" (le gouvernement Chirac, la réforme des intermittents du spectacles, le Medef...). Ce jour-là , il y avait Bernard Lavilliers, un héritier du "père" de toutes les révoltes, Léo Ferré.
LA SILHOUETTE S'EFFACE
"Je suis sorti de là gonflé, j'ai écrit un mot : espoir. Et pour cet album, il fallait que tout parte de là . Parce qu'entre-temps, il y a cette phrase ignoble : travailler plus pour gagner plus. Et le handicapé, on le tue ? On ne peut pas attendre dans un champ de ruines." A la ville, Cali a une manière très particulière de se mettre en colère, sans hausser le ton, avec délicatesse, et de grands yeux prêts à l'amour. Les mots fusent, mais la silhouette s'efface, le sourire s'élargit. Il y a un chic Cali.
On lui donnerait presque l'absolution sur la chanson qui fâche : Le Droit des pères, une redite si l'on veut, puisque le thème chez Cali est récurrent. Pour le juge qui confia son fils à la mère, le chanteur qui soutient l'association Les papas = Les mamans (LPLM) n'a pas de mots assez durs. "Aujourd'hui tout est apaisé. Mais dans L'Espoir je raconte des tranches de vie. Là , je me suis retrouvé au palais de justice de Perpignan, dans une salle glauque avec une juge glauque, au milieu d'une cohorte de couples qui se déchiraient, et moi, avec cette femme que j'avais tant aimée, et elle aussi. La justice ne prend pas en compte la douleur de la séparation vécue par les enfants. Ici, encore une fois, je suis dans le rôle du troubadour : je chante ce qui me tient à coeur".
"17 ans, c'est l'âge de la grâce, dit encore Cali. On est ado, et on est adulte. Pour moi, c'est toujours le cas." Cali, 39 ans sur le papier, fait aussi du cinéma, artiste de cirque dégingandé et sentimental dans Magique, de Philippe Muyl.
Véronique Mortaigne