petit article recopié dans Télérama:
Un suisse au naturel.
LÂ’étiquette du « petit suisse qui monte » lui colle déjà à la peau, comme le ruban de papier qui adhère à la spécialité fromagère du même nom. Remarquez, cette référence au goût de lÂ’enfance lui va plutôt bien à Jérémie Kisling, 28 ans.
Auteur-composoteur-interprète helvète, il chante les filles qui collent aux dents (Carambar), les moutons cachés sous son lit et les « becs » (baisers) de sa grand-mère.
Kiss et sling (« lance-pierre », en anglais) : les signifiants liés à lÂ’enfance se combinent dans son nom de scène, Kisling, piqué à sa maman, suisse allemande. Comme si tout était écrit dÂ’avance. Quant à son (vrai) prénom, Jérémie, cÂ’est le titre dÂ’une chanson dÂ’André Popp, mythique compositeur des sixties, qui débute par « Jeremy, delicado muy gran senor ». Signe prémonitoire ? Jérémie Kisling est effectivement devenu « le plus délicat des grands hommes » de la jeune pop francophone, avec son premier album, monsieur obsolète. Ligne mélodique épurée, arrangement un poil rococo et textes faussement candides ; il conjugue premier et deuxième degrés avec un naturel confondant – et fondant. CÂ’est le double effet Kisling : derrière lÂ’apparente fantaisie du style, un abîme de mélancolie.
Né avec un nom à coucher dehors (Tschanz, pas de chance !), le petit Jérémie grandit bien au chaud – papa est architecte, cÂ’eût été un comble de ne pas avoir de toit ! il habite la campagne, à dix minutes du lac Léman, et vit entouré de vaches et de cochons. Là , il ne fait pas grand-chose (« JÂ’ai joué au foot, essentiellement »), mais devient la tête de Turc de ses petits camarades : « introverti et taciturne, je me suis enfermé dans ma bulle, pour me protéger. Il y avait là pas mal de tristesse, et aussi beaucoup dÂ’ironie. »
Notre Calimero se laisse faire, et se laisse vivre. « Les vingt-cinq premières années de ma vie, jÂ’ai été, disonsÂ… passif. Je ne faisais rien consciemment. A 9 ans, il suit des cours de piano ; à 15, il est entraîné dans un groupe de rock (« Du coup, fallait écrire des chansons », dit-il, fataliste) ; à 17, il reçoit en cadeau la guitare de son père – instrument fétiche qui lÂ’accompagne aujourdÂ’hui sur scène ; enfin à 25 ans, Jérémie décide de devenir Paul Mc Brassens, ou quelque chose comme ça. « JÂ’avais un ou deus morceaux de coté. Il fallait que jÂ’arrive à dix chansons pour faire un disque. DÂ’août à novembre 2001, jÂ’ai bossé comme un fou. « LÂ’album, auto produit, est enregistré en douze jours.
En interview, le timide Kisling se livre avec parcimonie, et évite de croiser le regard de son interlocuteur. « Ethéré et insaisissable, Jérémie ne sÂ’offre pas facilement », explique son complice Raphaël Noir, alias le claviériste Monsieur Bidouille, précieux faire-valoir en concert, bête de scène hypermétrope et hyperactif, mais aussi musicien inventif sur Monsieur Obsolète . « Comme dit Houellebecq, pour un écrivain, la vie, ça ne va pas de soit. Jérémie, lui, a imaginé un univers pour entrer en communication avec le monde. Il a ouvert une porte, le public est entré et sÂ’est dit : « CÂ’est bien décoré, et cÂ’est tellement joliÂ… » Normal : Jérémie porte en lui quelque chose de magnifique. »
Une musique presque utérine, dont on ne se lasse pas, et qui nous emballe, en concert, dans un style plus freaky-funky. Belle revanche pour ce timide repenti. On est touché, coulé. Conquis.
Concerts à Paris : du 17 au 21 févier en première partie de Carla Bruni aux Bouffes du Nord ; le 27 mars au Nouveau Casino. Retrouvez Jérémie Kisling en vidéo sur
www.telerama.fr