# Interview de Aldebert ( 04-10-2009 )
D'où est-ce que vous est venue l'idée de faire un album pour enfant ?
Aldebert : Ca vient du fait que je travaillais avec des enfants entre 1999 et 2004, j'étais emploi jeune a l'époque dans une école primaire vers Besançon, et j'animais des ateliers avec des enfants donc y'avait de la musique, de l'art plastique,j'étais animateur donc du coup j'ai commencé a écrire a cette période la pour les adultes et les enfants. Mais le projet pour enfant s'est vraiment réalisé en 2007 ou j'ai contacté tous les collègues a qui j'ai proposé de participer à des duos.
Comment avez-vous choisi vos duos ?
Aldebert : En fait y'a des chansons qui étaient vraiment prévues pour les gens avec qui j'avais envie de chanter, notamment Maxime Le Forestier, ou la chanson était vraiment écrite pour lui. Après y'a d'autres rencontres qui sont aussi des rencontres de cœur, mais aussi des gens que j'ai rencontrés et auxquels je n'avais pas vraiment pensé avant, Élodie Frégé par exemple, que j'ai rencontrée sur une compile en hommage Claude François et en entendant sa version d'un titre de Claude François je me suis dit que ca irait super bien pour ” J'ai peur du noir”donc je l'ai contactée, on a sympathisé et ça s'est fait comme ca. Sinon, j'ai rencontré pleins de gens de ma génération a des festivals, comme Renan Luce ou les ogres de barback ou Riké que je connaissais que j'ai croisés plusieurs fois à qui j'ai proposé d'investir le titre.
Même si dans sa globalité, enfantillages reste un album pour enfant, certains sujets abordés tels que l'écologie ou le temps qui passe s'adresse plus aux adultes.
Aldebert :Oui, mais moi quand j'ai écrit ce disque, j'ai pas vraiment réfléchi et ciblé, je voulais faire un album pour enfant, et Le Forestier m'a dit que c'était plus un album sur l'enfance, je trouvais que la formule était assez juste, ca se confirme sur la tournée parce qu'on voit que le public qui vient nous voir, c'est vraiment un public familial. Les parents écoutent autant que les enfants et c'est vrai qu'il y a un peu deux lectures, certains sujets concernent les enfants et d'autres ne laissent pas de côté les parents. L'idée c'était ca : ne pas les exclure.
Comment vous considérez-vous, un grand enfant ou un adulescent ?
Aldebert: Je sais pas en fait. Quand je suis sur enfantillages et quand je monte sur scène j'ai sept ans. Après j'ai un métier qui permet de garder une certaine jeunesse, dans le sens ou on est une bande copains sur la route... Si j'étais banquier j'aurais eu une attitude différente. Après voilà, y'a des moments ou je me trouve dans la peau d'un adolescent , d'un enfant, ou d'un adulte quand je suis dans ma vie privée ou quand je travaille sur les projets ou avec des responsabilités ou la je peux pas me conduire comme un enfant. Mais j'aime beaucoup de temps en temps zapper et retrouver ce monde la .
Dans votre précédent album, l'année du singe, il y a une chanson qui s'appelle le bébé. A l'époque on vous sentait complétement terrifié par les enfants, c'est donc une énorme surprise de vous voir si proche d'eux avec enfantillages.
Aldebert : Je peux très bien faire une chanson ou je vais flipper de tous ces enfants qui arrivent de partout et après faire une chanson pour eux. Ca ne me pose aucun problème. Les chansons que j'écris ne sont pas forcément des ressentis mais plus des thèmes qui me font rigoler .
D'où puisez-vous toutes les histoires grotesques de votre album ?
Aldebert: C'est souvent des choses que j'observe chez les enfants. Beaucoup d'idées de chansons me sont venues en regardant jouer les enfants parce qu'ils ont avec eux tout un imaginaire, tout un truc. Quand il joue a la dinette, ou quand il joue à la cuisine,tout d'un coup y'a plein d'élément et de personnages qui arrivent de façon tres spontanée. Moi ca me fascine vraiment du coup, c'est comme ca que les idées me viennent: voir un peu ce qui les fait flipper, ce qui les fait rire, ce qui les concerne directement : l'école, la famille, les amis. Les chansons naissent de beaucoup d'observation .
Vous êtes un admirateur de Renaud. Or ce personnage est surtout connu pour ses chansons engagées. Et vous quand on vous écoute, on a l'impression que vous êtes tout à fait autre part,détaché de tout ce qui est engagé politiquement. La chanson engagée ne vous a-t-elle jamais intéressé ?
Aldebert : Si, bien sur, quand j'écoute Renaud, ca me parle, j'ai un engagement citoyen. Mais quand j'écris et quand je compose, j'ai pas envie de m'exprimer comme ca, de cette façon là. J'ai envie d'aborder des sujets sur les relations humaines,c'est à dire sur le temps qui passe, sur des tranches de vies. On commande pas ce qu'on va écrire, ca vient comme ca. Moi je me sens bien dans cette écriture la, des sujets sérieux mais toujours avec un décalage, j'ai envie de dénoncer des choses mais je sais pas si j'arriverais a écrire une chanson sur la misère. En même temps dans enfantillages, y'a une chanson plus ou moins engagé sur l'écologie. Mais après chacun a ses sujets et ses thème, moi j'écris comme ca ( rires )
Beaucoup de personnes ne vous connaissent pas, et ce peut-être à cause de la médiatisation de Bénabar . Est ce que vous, vous vous sentez plus ou moins pénalisé, avez vous l'impression d'être dans l'ombre de Bénabar ?
Aldebert : Pas vraiment, parce que ca ne m'empêche pas de faire mon métier, si jamais je pouvais pas faire de tournée, que je vendais aucun disque, ca serait vraiment l'angoisse, ca c'est clair. Mais c'est pas le cas. C'est vrai que Bénabar est super médiatisé, tant mieux. Je suis très content que des auteurs comme lui soient mis en lumière. On est beaucoup en France à avoir cette vie la, a marcher avec le public, à remplir des salles, mais pas forcément à passer au JT ou dans des émissions de prime-time. J'suis aussi fan de Bénabar que de groupes comme Eiffel ou debout sur le zinc ou Florent Marchet, ce sont des artistes qui comptent autant. Mais dans cette médiatisation, y'a vraiment quelque chose d'arbitraire, c'est tout d'un coup...paf. Y'a des rencontres, des moments donnés qui font que tout d'un coup: pouf, y'a des tubes qui vont naitre. Je pense notamment a Renan Luce, y'a des hold-up comme ca... Et tant mieux moi je suis super content, je préfère que ce soit des collègues qui soient mis en lumière et qui nous représentent nous tous. Tout le paysage de la chanson, plutôt qu'on se tape des chanteuses a voix comme dans les années 90 qui n'ont pas forcément quelque chose a dire bien que cette partie de la chanson existe, mais c'est autre chose. Mais je suis tres content que ces gens là soient médiatisés, enfin c'est tant mieux. J'ai spécialement d'aigreur, quand on me dit, ca ressemble à Bénabar, ben tant mieux. Je suis de sa génération, on vient du bar, j'ai fait du café-théâtre aussi, enfantillages c'est un projet assez différent, dans le message dans le ton, dans ce qu'il donne mais ca me gène pas outre mesure. Après attention je vais pas dire que j'ai pas envie de ca ( rires). Évidemment, j'aimerais bien pouvoir aller chanter chez Drucker un dimanche. Je vais pas dire ” non, non ca m'intéresse pas de faire une tournée que de Zénith” ( rires). Mais cette tournée enfantillages m'épanouit vraiment .
Dans pratiquement tous vos albums,il y a ce thème récurrent du temps qui passe. Êtes-vous quelqu'un de profondément nostalgique ?
Aldebert : Brel disait qu'on écrit toujours la même chanson et moi le temps qui passe c'est un truc qui me tient vraiment a cœur . Le temps qui passe c'est pas seulement la nostalgie, c'est aussi le moment présent comme Carpe Diem, le futur comme C'est comment là-haut. Le temps qui passe c'est pour moi le plus grand mystère et ca me touche énormément. L'idée du moment présent, de ce qu'on a vécu, de comment on à vécu, de qu'est ce qu'on va devenir après tout ce qu'on a engrangé, tout ce qu'on a traversé étant enfant, tous les traumatismes et les moments heureux, tout ça me parle. Et ça , c'est mes outils a moi, c'est mon truc ( rires). Y' a chanteurs qui font exclusivement des chansons d'amour, sur le couple,ou des chansons engagées. Moi, mon truc, c'est ca . Et puis on peut le décliner sur pleins de situations c'est ma base, mon support.
Le traumatisme de la feuille blanche, c'est une peur pour vous, ou vous ne vous posez finalement pas du tout la question ?
Aldebert : Évidemment, on a tous peur de ca. La peur de plus avoir d'idées, la peur de plus pouvoir construire et créer quelque chose, de pas pouvoir se renouveler, d'être sec. C'est pas seulement l'écrire de chansons, ca concerne pleins de chose. Voir tout d'un coup que pouf, c'est vide, y'a un trou béant, y'a de l'ennui, c'est l'abime, c'est l'angoisse absolue.
Vous chantiez dans Dis-moi Dimanche tout l'ennui qu'un dimanche pouvait provoquer en vous, après ce dimanche de feu que vous venez de passer, est-ce que cette aigreur s'est dissipée ?
Aldebert : Même maintenant, par rapport au vécu, le dimanche c'est un truc bizarre. On regarde dehors en ce moment...C'est dimanche, ca se voit, ca se sent ( rires ). Et y'a un truc flippant. C'est pas un jour ou on prend plaisir, même si c'est un jour de repos, et ca doit être un jour de repos... NON! Le dimanche c'est angoissant,moi qui ai une vie d'intermittent du spectacle, c'est a dire: que ce soit dimanche ou mercredi, je m'en fous, c'est pareil. Tu vois, demain on part en Algérie, donc j'ai pas l'angoisse de demain, mais c'est quand même dimanche, c'est quand même l'angoisse.
Pouvez-vous nous dire un tout petit mot du concert qui se trame pour novembre 2010 en l'honneur de vos 10 d'artiste au Zénith ?
Aldebert : C'est un projet très flou, alors l'idée c'est de faire au tout début de l'année prochaine, une création de spectacle qui s'appellera j'ai dix ans, en hommage à Souchon, c'est pas encore fixé, avec des artistes du Cirque Plume. L'idée c'est de mêler des artistes de cirque a notre répertoire et j'ai vraiment envie de ca. L'idée c'est de jouer ca un peu partout en France sur trente ou quarante dates et de clôturer par un Zénith en novembre prochain. J'espère qu'on arrivera à faire ca et que le public sera la.
Voici donc cette interview, issue d'une longue journée de labeur entourée d'enfants et de leurs parents.
Aldebert a été comme je l'imaginais: simple et généreux. Je tenais à remercier dans cet article Marianne qui a eu la gentillesse de me faire voir cet incroyable petit bout d'homme.
Merci Aldebert, pour cette interview et pour le concert qui l'a précédée. L'album enfantillages dont vous trouverez une chronique sur ce site est toujours dans les bacs. Si vous ne l'avez pas vu jusque la en concert, précipitez-vous,Aldebert sera a l'olympia le 1er Novembre à 18h.
Thomas Choukroun le 04-10-2009